Les Bronzes

Dès 1946, Pierre Soulages débute ses recherches autour de la lumière, d’abord en peinture, puis il s’essaye à différentes techniques comme la gravure, la tapisserie ou encore la céramique. C’est ainsi qu’en 1951, à l’atelier Lacourière, l’artiste s’intéresse à l’eau-forte, un art qui le pousse en 1975 à expérimenter le domaine de la fonderie.

Pour rappel, la technique de l’eau-forte répond à un processus en deux temps : la gravure d’une matrice en métal, puis l’impression de l’image gravée sur le papier. Pierre Soulages utilise des matrices en cuivre qu’il enduit d’une fine couche de vernis, puis creuse des sillons à l’aide d’une pointe sèche et d’un burin. Une fois le travail de gravure terminé, l’artiste plonge la plaque dans un bain d’acide qui va mordre les parties du métal gravé. Soulages s’affranchit rapidement de la forme rectangulaire imposée par la plaque, en laissant l’acide percer des ouvertures et créer des irrégularités sur les contours. La plaque de cuivre devient alors une sorte de sculpture à part entière, avec une notion de tridimensionnalité, elle n’est plus seulement un objet servant à la création d’une œuvre.

« Un jour cependant j’ai pensé que je pourrais repartir d’un de ces cuivres, le faire agrandir et ensuite mouler, avec tous les nouveaux hasards liés à la rencontre d’une autre technique, celle de la fonte »1.

C’est en 1975, à partir d’Eau-forte XIII, que Soulages réalise Bronze I, chez Haligon dans un premier temps afin d’obtenir l’agrandissement en plâtre, puis à la Fonderie Blanchet-Landowski pour la fonte du métal. Il répète cette opération l’année suivante pour Bronze II (d’après la matrice d’Eau-forte XX) puis en 1977 pour Bronze III (d’après la matrice d’Eau-forte XXIX), dont la particularité est que Soulages a lui-même adapté la plaque de l’eau-forte en un relief en béton, pour créer la matrice du bronze. Une fois terminée, la plaque est entièrement noire (comme on peut le voir sur les bords du Bronze III) l’aspect doré apparait avec le polissage du métal. Plus la matière est polie, plus les reflets dorés sont importants, alors on retrouve l’objectif premier de Pierre Soulages : « […] je l’ai poli pour faire vivre la lumière. La surface de ces bronzes n’est en effet pas plane : elle a de faibles mouvements qui permettent à la lumière de bouger, de couler »2.

Pour la première fois, la lumière ne provient pas de l’intérieur de l’œuvre mais vient se refléter dessus, ce qui n’est pas sans rappeler la peinture Outrenoir qui voit le jour deux ans plus tard… même si Soulages n’établit pas de lien direct entre les deux médiums. À l’origine, l’artiste a réalisé un seul exemplaire de chaque bronze, mais face à leur succès, il décide d’en faire produire trois exemplaires pour les Bronze I et Bronze III, et cinq exemplaires pour le Bronze II. Avec ces œuvres, il est possible de comprendre l’importance de chaque support dans la recherche autour de la lumière chez Pierre Soulages, chacune de ses expérimentations sont liées entre elles.

1 Pierre Soulages dans Soulages l’œuvre imprimé, Encrevé Pierre, Miessner Marie-Cécile (dir.), Bibliothèque nationale de France - Musée Soulages, 2011, p. 20-21.
2 Pierre Encrevé, Soulages. Peintures, Paris, Le Seuil, 2007, p. 204.

Photographie de couverture :

Bronze I, 1975, 116 x 86 cm

Bronze II, 1976, 66 x 89 cm

Bronze III, 1977, 117,5 x 95 cm

Fiche d'identité de l'oeuvre
Matériaux
Bronze
Provenance
Donation de Pierre et Colette Soulages en 2005
Chronologie
1977
Technique
Sculpture
Dimensions
117 x 95 x 2 cm
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