« J’inventerai pour toi la rose »
Ces mots résonnent au son de la voix de Michel Piccoli dans le court-métrage consacré au couple Elsa Triolet/Louis Aragon qu’Agnès Varda réalisa en 1965. Son titre Elsa la rose réunit toute la nuance et la subtilité de ce documentaire dédié à ce couple mythique. Elsa la rose comme un clin d’œil évident à la fois au poète et à la romancière. Elsa la rose, la muse, Elsa la rose, l’auteure de Roses à crédit.
« J’inventerai pour toi la rose »
Ces mots, ce sont bien ceux de Louis Aragon, adressés à Elsa Triolet : « J’inventerai pour toi la rose / Pour toi qui es la rose indescriptible… ». Tirés de ce long poème Elsa qu’il lui adresse en 1959, ils sont, à n’en pas douter, nés « sous influence ». L’influence d’une muse, celle de sa femme aimée ; l’influence aussi comme inspiration, celle de son alter ego, l’écrivaine qui rédigea un peu plus tôt la même année Roses à crédit.
« J’inventerai pour toi la rose »
Ces mots, enfin, Daniel Donelle aurait pu les dire à Martine Peigner, celle pour qui il sera le tout premier objet de désir. Ce rosiériste en devenir, habité, lui, par le désir de créer « une rose nouvelle qui aurait la forme de la rose moderne, et le parfum inégalable de la rose ancienne », est l’un des personnages principaux de ce roman Roses à crédit qui ouvre le cycle qu’Elsa Triolet a intitulé L’Âge de Nylon.
Ce roman, c’est l’histoire d’une romance prise au piège de cette nouvelle ère de plastique. Un idéaliste, redevenu héros de guerre après avoir été jugé coupable, croise la route d’« une pie noire et voleuse ». Celle-ci, surnommée ainsi par sa mère, est une jeune fille en quête d’émancipation et de liberté, qui grandit dans une cabane infestée de rats. Quand l’un rêve d’une rose d’exception, l’autre rêve de « cosy-corner »…
Soufflant son parfum d’un art à l’autre, Elsa la rose, avec ce roman, a trouvé tout naturellement sa place dans la librairie-boutique du musée Soulages. Agnès Varda, la « curieuse », notre résidente de l’été, a permis ce rapprochement. Roses à crédit s’ouvre d’ailleurs ainsi : « C’était cette mauvaise heure crépusculaire, où avant la nuit aveugle, on voit mal, on voit faux. ».
D’un art à l’autre, il n’y a qu’un pont…
Un roman.