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Qui est Agnès Varda ?

Agnès Varda est née le 30 mai 1928 à Ixelles, en Belgique. Prénommée Arlette par ses parents, clin d’œil à la ville d’Arles où elle aurait été conçue, la jeune femme choisit, à l’âge de 18 ans, de se faire appeler Agnès, en référence aux origines grecques de son père.

Dans la famille Varda, il y a cinq enfants. Petite des trois premiers, grande des trois derniers, Agnès est exactement au milieu. Si cette place l’a isolée, elle lui a aussi donné beaucoup de liberté.

En 1940, la guerre pousse la famille Varda à migrer dans le sud de la France, à Sète, où tous vivent sur un bateau amarré à quai, en face du palais Consulaire. La famille Schlegel habite une maison dont le balcon surplombe le bateau des Varda. Agnès se lie d’amitié avec les trois sœurs Schlegel : Andrée, l’aînée, une artiste qui épouse Jean Vilar ; Suzanne, la cadette, photographe, qui l’initie à la musique lors de ses années chez les Éclaireuses ; et Valentine, la benjamine, sculptrice et céramiste, dont elle est très proche.

En 1943, la famille Varda monte à Paris. « C’est amusant ! Comme si la France était verticale ! » Cheveux bien mis, chemisier blanc et socquettes dans les sandales, Agnès passe son bac, fréquente l’École du Louvre et suit les cours de Bachelard à la Sorbonne. Son look se dessine petit à petit comme une affirmation de soi ; elle trace sa voie. Baby-sitter des enfants d’Andrée et Jean Vilar, elle a accès à beaucoup de littérature, rencontre des artistes et découvre le mouvement surréaliste, qui va l’influencer. À 19 ans, elle fugue pendant trois mois.

En 1951, Agnès Varda emménage rue Daguerre, à Paris, avec Valentine. Le lieu est sommaire, mais devient rapidement un point de ralliement pour les artistes. Agnès est investie dans la vie de son quartier. Elle connaît ses voisins, pour la plupart commerçants et artisans. Elle aime passer du temps avec eux, écouter leurs histoires, les observer, et surtout, les photographier. Son premier appareil est un Rolleiflex que sa mère lui a acheté d’occasion. Elle décide de prendre des cours du soir rue de Vaugirard et obtient en un an son CAP photo, qui, à l’époque, suffisait pour exercer la profession. Elle installe un laboratoire dans son logement et obtient un premier contrat pour les Galeries Lafayette : 400 photos d’enfants par jour au moment de Noël.

Lors du 2ᵉ festival d’Avignon, Jean Vilar la sollicite pour documenter l’événement. Agnès Varda photographie les décors, les costumes, les répétitions… Une ressource aujourd’hui inestimable.

À 25 ans, Agnès Varda passe de l’image fixe à l’image animée. Elle réalise son premier film sans vraiment rien connaître au cinéma, revendique-t-elle. Séduite par la modernité narrative de la pièce Palmiers sauvages de Faulkner, elle adopte une structure similaire pour tourner son premier film : La Pointe Courte (1954). Conseillère artistique et soutien indéfectible, Valentine Schlegel est à ses côtés dans cette aventure, qui met à l’écran Philippe Noiret et Silvia Monfort. Elle est accompagnée pour le montage par Alain Resnais, dont elle restera très proche. Ce film est aujourd’hui considéré comme précurseur de la Nouvelle Vague.

Ensuite, elle tourne entre autres Cléo de 5 à 7 (1962), un film en temps réel qui suit une chanteuse pendant deux heures d’attente angoissée pour des résultats médicaux ; Le Bonheur (1965), film haut en couleur sur la vie conjugale et l’adultère ; L’une chante, l’autre pas (1977), chronique féministe sur le destin croisé de deux femmes ; Sans toit ni loi (1985), récit de la vie et de la mort d'une jeune marginale (qui remporte le Lion d’or à la Mostra de Venise)…

Engagée de la première heure dans les causes féministes, elle met en avant dans ses films des femmes libres, fortes et indépendantes. Elle s’attache aussi à avoir des équipes de tournage paritaires.

Le 28 mai 1958, elle donne naissance à Rosalie, qu’elle choisit d’élever seule, tout en restant en bons termes avec le père biologique. Lors du festival du court-métrage de Tours en 1958, elle rencontre Jacques Demy, venu présenter le film qu’il vient de réaliser : Le Bel Indifférent. C’est le coup de foudre et, peu de temps après, Jacques s’installe rue Daguerre. Agnès lui offre un espace de travail, inventant ainsi une forme plus moderne du couple, où chacun peut se consacrer à sa propre création. Ils se marient un lundi matin de 1962, en présence de leurs seuls témoins. Jacques adopte la fille d’Agnès, et de cette union naît Matthieu, le 15 octobre 1972. Couple libre et créatif, leur travail est très différent, mais leur influence mutuelle est certaine. Agnès Varda lui consacre un film intime et émouvant retraçant sa vie à travers ses souvenirs et ses aspirations cinématographiques. Film hommage et véritable déclaration d’amour, Jacquot de Nantes est présenté hors compétition au Festival de Cannes en 1991, soit un an après le décès de Jacques Demy.

Agnès Varda est aussi une pionnière du cinéma documentaire, dans la veine de Jean Rouch. Elle réalise Les Glaneurs et la Glaneuse (2000), documentaire personnel et poétique sur les personnes ratissant les champs pour récupérer les restes oubliés des récoltes. Les Plages d’Agnès (2008), documentaire autobiographique, revient dans un style narratif direct, avec authenticité et humour, sur les plages symboliques de son enfance, de ses tournages et de ses rencontres.

Pour Agnès Varda, le cinéma est un jeu. Elle aime innover, chambouler, emprunter de nouveaux chemins. Elle s’embarque avec le street artiste et plasticien JR pour un road movie à travers la France rurale : Visages Villages (2017). Cinquante-cinq ans et une quarantaine de centimètres les séparent, mais ils partagent le goût des rencontres humaines, de la mémoire des gens ordinaires et de la poésie du quotidien. Le film est sélectionné au Festival de Cannes, nominé à l’Oscar du meilleur film documentaire, au César du meilleur documentaire ainsi qu’à celui de la meilleure musique originale.

Pour la chaîne Arte, elle tourne une mini-série documentaire de six épisodes de 26 minutes intitulée Agnès de-ci de-là Varda, diffusée en 2019. Elle y interviewe, entre autres, Pierre Soulages, son grand ami de Sète. Ils partagent leur amour de la Méditerranée, de la lumière et de l’art. Les deux artistes sont présents l’un pour l’autre dans les grands moments de leurs vies artistiques.

Après la photographie et le cinéma, Agnès Varda explore le domaine des installations artistiques. Hans Ulrich Obrist l’invite à participer à la Biennale de Venise en 2003. Inspirée par le tournage de Les Glaneurs et la Glaneuse, Varda, jeune plasticienne, propose une installation vidéo sonore sur un triptyque d’écrans, montrant des pommes de terre de toutes formes et natures, avec, au sol, une mer de 800 kg de tubercules. L’œuvre s’intitule Patatutopia. Le jour de l’inauguration, l’artiste déambule dans un costume de pomme de terre. Par la suite, d’autres installations verront le jour : Les Veuves de Noirmoutier (2005), Le Tombeau de Zgougou dans sa cabane (2006), Ping-pong, Tong et Camping (2005-2006)...

Agnès Varda décède le 29 mars 2019 rue Daguerre, où elle a toujours vécu. Elle reste une figure majeure de l’histoire du cinéma, célébrée pour sa sensibilité, sa liberté artistique, son humour et son humanisme.
Elle est enterrée au cimetière Montparnasse, tout comme Soulages.

Références : Agnès Varda, Les plages d’Agnès, 2008. Ciné-Tamaris – arte France cinéma
Laure Adler, Agnès Varda, Gallimard, 2023

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