De 1963 à 1971, il se produit un changement important, sur le plan visuel dans les œuvres de Pierre Soulages. Le raclage disparaît presque complètement, la matière colorée devient plus fluide, et les formes traitées en aplats s’étalent en largeur avec pour conséquence que le format des toiles s’agrandit aussi.
Peinture 202 x 375 cm, 3 juin 1967 est la première œuvre de Soulages composée de plusieurs toiles assemblées ; en Histoire de l’art, on appelle cette configuration particulière un polyptyque. L’œuvre est en effet composée de trois toiles mesurant 2m02 de long sur 1m25 de large ; chacune ayant son propre châssis. Les toiles sont accolées et solidarisées à l’arrière. Cependant, ces trois éléments ne composent finalement qu’une forme unique et continue.
L’espace est construit de façon latérale par de grands pans bleu foncé que l’on croit deviner derrière un voile noir. Mais ne vous y trompez pas : à aucun moment Soulages n’a utilisé la couleur noire dans cette œuvre. Ce sont des couches d’un seul et même bleu, très liquide, qui s’assombrissent par leur superposition.
L’importante surface qu’occupent les aplats bleu-noirs met en valeur l’aspect aléatoire de leurs contours, laissant apparaître, entre leurs masses opulentes, d’étroites surfaces blanches en pointillés, le plus souvent verticales qui apportent de la profondeur. Jouant le rôle de fenêtres de lumière, elles contrastent et révèlent un peu plus les transparences du bleu.
Ici, l’artiste ne s’est pas autorisé à laisser de traces… L’aspect très lisse qui en découle est saisissant. La tension qui réside entre les zones bleu-noires et blanches repose essentiellement sur l’irrégularité de ces bords. Elle rend compte de toute la fragilité des survivances de blanc.