Après Pablo Picasso (2016), Alexander Calder (2017), Le Corbusier (2018), le groupe japonais Gutai (2018), le musée Soulages, 820 000 visiteurs depuis son ouverture fin mai 2014, organise cet été une exposition consacrée à l’une des figures majeures de l’art moderne, Yves Klein (1928-1962).
C’est un pan majeur de l’histoire de l’art dévoilé au grand public durant l’été, une des missions premières du musée : le peintre Soulages ayant souhaité qu’une salle d’exposition temporaire de plus de 500 m 2, la seconde en termes de superficie dans la région Occitanie, soit consacrée aux autres que lui, peintres et mouvements, moderne et contemporain. Tous les étés une manifestation d’envergure y prend donc place, tous publics et exigeante.
En 2006, l’architecte de la « fonction oblique » Claude Parent se souvenait d’Yves Klein :
«…On ne peut pas dire qu’il était un tenant de l’utopie. Je crois que c’est un inventeur d’un monde différent qui a des relations aussi profondes avec le passé qu’avec ce qui va venir peut être. » Pas de chaos chez Yves le monochrome, mais une formidable envie d’inventer ; le champ du possible est ouvert. Yves Klein se dresse parmi les premiers à mettre son action, ses actes, comme un idéalisme constructif au service de l’art. Il participe au groupe Zéro, d’où sa familiarité avec l’Allemagne, à la création des « Nouveaux Réalistes ». Le fameux saut dans le vide du peintre de l’espace, le 27 novembre 1960, photographie immortalisant le geste créatif à Fontenay-aux-Roses, multipliée par le biais de la publication d’un journal, c’est sa dévotion à l’immatériel, sa libération définitive des éléments à venir que furent la couleur, le feu, l’eau, le vent… Bien que mort prématurément, l’influence d’Yves Klein est considérable pour les arts plastiques.
« J’avais tourné un petit film en 16 mm couleur sur mes expositions de l’époque bleue en 1957. / J’avais besoin d’un commentaire, dit de préférence par un critique d’art. Je demandais alors à Charles Estienne de bien vouloir pousser, pendant quelques vingt minutes que durait le petit film, des cris bleus…/ Ces cris sont des cris contenus assez longs et soutenus avec vigueur : il m’avait demandé quinze jours pour s’entraîner avant de se laisser enregistrer ».
Voilà ce que dit Klein qui déclare sa flamme au fameux bleu IKB (International Blue Klein) une manière de peindre déclarée à l’I.N.P.I. Le Bleu de Klein est une marque de fabrique et un état d’esprit, scellée par sa pratique monochrome, c’est-à-dire peindre au rouleau sur une surface de toile. La couleur est unie, ne tremble pas. C’est une couleur sans pathos. Il y a bien entendu d’autres couleurs, mais ce qui compte est dans l’évocation de ces cris bleus, la radicalité du geste, sa continuité, la route à tracer, notamment avec l’intervention du corps, les fameuses Anthropométries qui viendront par la suite.
L’exposition de Rodez est une rétrospective solide d’une cinquantaine de pièces. Nous avons à cœur de présenter un ensemble de tableaux représentatifs de l’œuvre qui, si il fut court à l’échelle du temps, reste considérable, plus de 1 500 peintures : Monochromes, Reliefs éponges, Peintures de feu, Sculptures éponges, Anthropométries, Portraits reliefs, Globes terrestres, Cosmogonies, Obélisques, Exvotos, Monogolds… L’exposition est complétée par des vidéogrammes, des photographies, des documents de transaction conçus par le peintre avec ses collectionneurs, des livres… La présentation est également liée aux collaborations avec le sculpteur Jean Tinguely et Claude Parent, formant comme l’amorce d’un parcours chronologique à partir d’inventions géniales, un ombilic en quelque sorte : « Rocket pneumatique », « Architecture de l’air », « Fontaines de Varsovie » et « Excavatrice de l’espace ».
« Déjà autrefois, j’avais refusé le pinceau trop psychologique, pour peindre avec le rouleau plus anonyme, et ainsi tâcher de créer une « distance » tout au moins intellectuelle, constante, entre la toile et moi, pendant l’exécution ».
L’exposition à Rodez c’est l’éclosion d’un laboratoire d’idées et de formes, proche de l’humain, comme une révolution. Les modèles nus de Klein, enduits de pigments, frôlant la flamme et le feu, naviguent librement sur la surface de la toile ; l’empreinte n’a rien d’autoritaire. C’est la liberté.
Des cris bleus… bénéficie du concours déterminant des Archives Yves Klein, Paris, agissant en matière de prêts, mais aussi présentes dans le commissariat (Daniel Moquay, président des Archives, et Benoît Decron, conservateur du musée Soulages, les deux commissaires associés). C’est un partenariat étroit. Nous bénéficions des prêts exceptionnels du MAMAC de Nice, du Carré d’Art de Nice, du Mnam-Centre-Georges-Pompidou, auxquels il faut ajouter des collectionneurs privés se séparant durant l’été d’œuvres rares, voire jamais montrées. Certaines œuvres n’ont pas été présentées depuis 25 ans… ces collectionneurs le sont de la première heure.
Pierre et Colette Soulages – c’est le centième anniversaire du peintre en 2019- sont partie prenante de l’exposition. Le couple Soulages, dès la fin des années 40, était très proche des Klein, Marie Raymond, Fred et Yves. C’est chez le marchand de couleurs, Edouard Adam, à Paris, que Pierre Soulages prend conscience de la nouveauté du bleu outremer en poudre, le futur IKB. Il y rencontre Yves Klein en recherche, qui s’intéresse aux barils de pigments du magasin…
Le catalogue, une édition du musée Soulages, 196 pages, comportera des articles de Frédéric Prot et de Benoît Decron, une préface de Patti Smith, une riche biographie illustrée, ainsi qu’un rare entretien pris auprès de Pierre Soulages sur la famille Klein, Marie et Yves principalement. Partenaires de Rodez agglomération, figurent le Département de l’Aveyron, la région Occitanie et le Ministère de la Culture.
Une riche programmation culturelle sera proposée par le musée : visites guidées, édition d’un petit journal, ateliers et documents pour les enfants.
Un programme de conférences et des événements dédiés (spectacle…) accompagneront également l’exposition.
Individuel adulte :
de 7€ à 11€ à la journée
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