En 2016, une collaboration naît entre le musée de la préfecture du Hyogo – province jumelée au département de l’Aveyron – et le musée Soulages à Rodez. Elle se concrétise aujourd’hui par le prêt d’un ensemble d’une vingtaine de peintures de premier ordre du groupe Gutai. Ce musée, situé à Kobé, dispose d’un des plus grands fonds de peintures Gutai au Japon, avec le musée national à Tokyo.
Gutai (1954-1972) : le nom vient de gu, instrument, et de tai, corps, son adverbe gutaieteki «concret» ou «incarnation» qui s’oppose en principe donc à l’abstrait, c’est-à-dire à l’art abstrait de l’après-guerre. Ces artistes incarnent un renouveau de l’art après la cruauté de l’histoire et face à la domination de la culture américaine. Yoshihra Jiro peut affirmer « Créer quelque chose qui n’avait jamais existé auparavant ». Après la guerre, les artistes s’immergent dans l’action et la nouveauté totale. Les premiers Gutai agissent donc dans le cadre du théâtre et du plein air, avec une mise en scène de leur geste artistique, en public. Ce sont des expositions de groupe régulières dès 1955 au Japon, mettant en avant, le corps, la matière et les éléments. Familiers des traditions du Japon, des cérémoniels et des fêtes votives, dont les matsuri, les Gutai vont développer une interprétation extrême de la peinture qui pour eux fait corps avec leur action. « De la peinture dotée d’un nouveau sens ».
SHIMAMOTO Shozo (1928-2013), créateur remarquablement talentueux, est l’inventeur du mot Gutai dans sa dimension d’art concret. Il se rapprocha de Yoshihara Jirô qui est plutôt considéré comme le maître et le théoricien de Gutai : «Je suis un maître qui n’a rien à vous apprendre, mais je vais créer un
climat optimum pour la création». Yoshihara sera le héraut, le meneur de cinquante ans, un aîné très écouté, respecté, entraînant derrière lui des artistes plus jeunes. Gutai est un mouvement radical et juvénile, dans l’action notamment, proche des milieux du théâtre et du Nô, et du milieu culturel japonais, notamment de la littérature.
Pour Gutai le matériau revêt une importance fondamentale. Quelques grands noms du mouvement en témoignent : Murakami Saburo traverse avec son corps des tableaux de papier dressés verticalement ; Shiraga Kazuo peint un tableau avec ses pieds, suspendu au bout d’une corde, Motonaga Sadamasa peint en s’aidant de volutes de fumée, Kanayama Akira dessine à l’aide d’une voiture électrique qui parcourt de manière aléatoire le champ du tableau, Matsutani Takesada, pour peindre utilise la colle à bois, pour faire des bulles et des cloques organiques… Le rôle du corps de l’artiste, sa gestualité, avec le passage de la peinture sont redécouverts par le mouvement Gutai. Il s’inscrit dans un contexte de vie intense. Quand bien même il est éphémère à l’origine, cet art laisse des traces par des toiles, des objets, des tirages photographiques ou des films, proposés dans l’exposition.
Parmi les œuvres en provenance de Kobe, la majorité d’entre elles relève de la période historique de Gutai, années 50 et 60, beaucoup n’ayant jamais été présentées en Europe. Quelques œuvres de Shiraga et Matsutani ponctuent le début des années 90 montrant la permanence Gutai. L’exposition a aussi de prêts majeurs du musée des Abattoirs de Toulouse, de la Fondation Axel & May Vervoordt à Anvers, du Centre Georges Pompidou, du musée Cantini à Marseille et d’une collection particulière, soient 45 œuvres. Elle est une formidable initiation à l’art Gutai qui est celui de la couleur, de l’invention, du jeu, de l’assemblage. Elle permettra de familiariser l’Occitanie à la culture japonaise, notamment en présentant des œuvres d’artistes universellement reconnus tels Murakami, Shiraga, Motonaga, Yoshihira, Tanaka, Matsutani…
Pour Gutai, le temps et l’espace, Rodez agglomération bénéficie du soutien de l’Etat – Direction régionale des affaires culturelles Occitanie, de la Région Occitanie/ Pyrénées-Méditerranée, du Département de l’Aveyron et a obtenu le label « Japonismes 2018 ». Cette exposition d’envergure internationale est la première en France depuis celle de la galerie du Jeu de Paume en 1999.
Individuel adulte :
de 7€ à 11€ à la journée
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