Auteur italien, contemporain de Fontana, né le 15 octobre 1923, Italo Calvino est une figure de l’Italie antifasciste, essayiste, journaliste, écrivain et philosophe, il est l’un des plus grands auteurs italiens du XXème siècle. Son œuvre est créative et prolifique et se distingue par une variété et une inventivité qui permettent que l’on reconnaisse SA voix à chacun de ses nouveaux écrits.
Parmi ces succès, la « trilogie héraldique »1, Nos ancêtres, 2 est selon lui un « cycle achevé », et selon nous : un cycle à ne surtout pas manquer !
D’abord pour son divertissement pur : ce sont des histoires folles, captivantes, et non dénuées d’humour, « Trois histoires que j’ai écrites dans la décennie 1950 -1960 et qui ont en commun d’être toutes invraisemblables et de se dérouler dans des époques lointaines comme dans des pays imaginaires. ».
Ensuite pour leur richesse plus délicate : ces histoires sont comme de petites lampes philosophiques qui nous éclairent en douceur et avec simplicité sur ce qui nous anime tous : sur l’universalité de la volonté d’être, quel que soit ce que cet « être » soit pour nous.
Ces « romans fantastico-moraux ou lyrico-philosophique » 3 comme il les appelle, sont comme des contes, des quêtes initiatiques ou chaque histoire porte en elle une forme de liberté, un hymne à la tolérance et à l’autodétermination. Chaque personnage principal, ou secondaire même, est une voix portée par son autoréalisation : « j’ai voulu faire une trilogie sur des expériences qui permettent de se réaliser en tant qu’êtres humains : dans Le chevalier inexistant la conquête de l’être, dans Le vicomte pourfendu l’aspiration à une complétude au-delà des mutilations que nous impose la société, dans Le baron perché une voie vers une complétude non individualiste qu’on peut atteindre à travers la fidélité à une autodétermination individuelle : trois degrés d’approche de la liberté. »
Un vicomte coupé en deux, un baron perché dans les arbres et une armure sans corps : trois figures fabuleuses de la dualité humaine et de sa complexité. Trois allégories de l’être qui nous questionnent sur notre propre coexistence individuelle : comment cohabitent en nous nos rêves, nos volontés et nos réalisations ; comment nous nous mettons en marche et comment nous habitons le monde des humains et de la nature tout entière. Comment nous cohabitons en nous-même et avec les autres.
Et d’ailleurs la façon dont ces histoires « s’invitent » chez Calvino témoigne bien de ce mouvement, de cet auto - déterminisme qu’il interroge et qui est à l’œuvre : « à l’origine de toutes les histoires que j’ai pu écrire, il y a une image qui tourne et retourne dans ma tête, née je ne sais comment, et qui m’accompagne depuis de nombreuses années. Au fur et à mesure je me mets à développer cette image en une histoire […] ». Pour la trilogie, il y a eu donc trois images, sortes d’obsessions, qui sont venues toquer à la porte de son imaginaire : « un homme coupé en deux dans la longueur, et dont chacune des parties vivait sa vie », « un gamin qui monte à un arbre […] il se refuse à mettre le pied à terre », « une armure qui marche et qui est vide à l’intérieur ».
Ce que ces images sont devenues, ce qu’elles ont amenées de réalisations et d’accomplissements, ces forces de vie réunies en une aventure, au plutôt en trois aventures, sont à découvrir absolument, résolument, et sans tarder !
PS : du même auteur, Marcovaldo, autre roman et autre personnage à découvrir, plein de tendresse et d’insubordination douce… une autre histoire de liberté !
1/ Le vicomte pourfendu, éditions Gallimard, 2018 (IL VISCONTE DIMEZZATO, Einaudi, 1952)
Le baron perché, éditions Gallimard, 2018 (IL BARONE RAMPANTE, Einaudi, 1957)
Le chevalier inexistant, éditions Gallimard 2018 (IL CAVALIERE INESISTENTE, Einaudi, 1959)
Marcovaldo, éditions Gallimard 2017 (MARCOVALDO, Einaudi, 1963)
Toutes les citations sont tirées de la Note 1960, texte écrit en juin 1960 qui accompagne la trilogie dès sa première parution et qui à l’origine était titrée « préface ».
2/ La trilogie Nos ancêtres : Le vicomte pourfendu, Le baron perché, Le chevalier inexistant
3/ Expression extraite de « une lettre d’Italo Calvino » publiée dans l’hebdomadaire Mondo Nuevo du 3 avril 1960