Après l’invention d’un verre unique pour les ouvertures de l’abbatiale de Conques, dont témoignent les 800 échantillons de compositions différentes, Pierre Soulages amorce la réalisation des cartons préparatoires des vitraux en 1990.
En étroite collaboration avec le maître-verrier Jean-Dominique Fleury, il œuvre d’abord à Paris, au sein de son atelier, puis la réalisation des cartons se poursuit à Toulouse et Sète.
Les cartons préparatoires aux vitraux de Conques fonctionnent comme les patrons du couturier. Ici, ce sont des plaques grandeur nature de mélaminé blanc bordées de papier kraft. Pour leur conception, Pierre Soulages et le maître-verrier disposent les cartons dos au mur. Ils dessinent, modifient les tracés qui seront reproduits par l’armature même des vitraux à l’aide de ruban adhésif noir repositionnable. L’artiste a recourt à deux scotchs de largeurs différentes pour reproduire en proportions réelles les deux éléments qui servent au maintien du verre : les barlotières, pièces de l’armature métallique scellées dans les maçonnerie qui soutiennent les panneaux de verre, et les plombs, ces lignes ondées qui sillonnent la surface. L’artiste opte pour des lignes fluides, afin de ne pas répéter les verticales et horizontales déjà présentes dans l’architecture de l’abbatiale. Ces lignes, dont la direction est liée aux proportions de chaque fenêtre, s’élèvent en quête de verticalité, défiant toute pesanteur, sans pour autant l’atteindre.
« J’ai choisi dans mes vitraux, des formes qui sont comme un souffle. Souffle qui est rythmé par les barlotières », explique Pierre Soulages. Ces barlotières, au nombre pair, afin d’annihiler toute symétrie dans le vitrail, rythment les ondes de plomb de sorte que les vitraux deviennent de véritables mélodies muettes.