Lumière sur...

La Librairie-boutique du musée Soulages

Dans la sélection Roman/BD de notre Librairie-boutique, il y a des ouvrages qui nous interpellent : une couverture bleue, électrisante, un visage familier, et ce titre à la limite de l’impertinence : Rien n’est noir.

Une scandaleuse dans la caverne d’un sage !

On pourrait se méfier….

On aurait tort.

La scandaleuse c’est Frida Kahlo. Et ce roman de Claire Berest c’est notre coup de cœur.

Tout l’oppose à Pierre Soulages bien sûr. Lui, navigue aisément dans le noir et le présent. Elle, semble s’empêtrer de mille couleurs et de souvenirs trop lourds. Alors ce qui les relie ? Certainement cette volonté et ce besoin qui semblent animer tous les artistes, cet élan créatif qui fait entrer l’art dans la vie. Cet élan, c’est celui nécessaire et mystérieux dont parle Stefan Zweig (Le mystère de la création artistique) ; cette force intérieure qui habitait Paula Becker (être ici est une splendeur de Marie Darrieussecq) ; ce besoin impérieux qui a occupé Shirley Goldfarb chaque jour de sa vie (Carnets, Montparnasse 1971-1980). Et avec ce roman, Claire Berest relaye à son tour une nouvelle nécessité créatrice, une nouvelle histoire : Frida Kahlo, artiste peintre mexicaine de Coyoacán.

Rien n’est noir, c’est son histoire : une jeune femme téméraire, petite fille boiteuse, dont le destin bascule à l’âge de 18 ans dans un accident de tramway. Dès lors la peinture va entrer dans sa vie et ne la quittera plus. Cette histoire, on croyait la connaitre (la scandaleuse est aujourd’hui une icône contemporaine) : Frida l’artiste en souffrance, malmenée par la vie, malmenée par Diego...

Mais ce roman, c’est une autre vision, on découvre Frida la courageuse, Frida la truculente, l’insolente, la conquérante ; celle qui a pris son destin en main, qui a choisi Diego Riviera, qui l’a choisi plusieurs fois même, qui a choisi de peindre, qui a choisi de s’exprimer et de s’habiller autrement : libre comme unique, elle défie son corps et l’oblige à suivre la cadence de ses envies et de ses convictions. Et quand il résiste, quand il se débine, elle l’exhorte (pour ne pas dire l’exorcise), le transfigure par le costume et par la peinture (elle peindra 55 autoportraits). Ça s’enchaîne à vive allure, comme la vie de Frida (47 ans seulement !). Le récit suit son rythme, pas de manière chronologique mais plus comme si elle se souvenait ; c’est écrit à la troisième personne pourtant, mais l’écriture a ce style si direct et si poétique qu’il nous semble que c’est sa voix.

Et puis, poésie de plus : chaque chapitre s’ouvre sur une couleur. Les couleurs si chères à Frida, toutes entières emplies des ressentis de celle qui encore aujourd’hui est célébrée comme une madone, une égérie féministe ; Ses couleurs à elle (tirées de son journal) comme pour nous signifier son humeur : « bleu pénétrant qui s’échappe vers la nuit », « bleu vibrant de lumière, flirtant avec le vert », « rouge calme coulant vers un rose de ciel », « rouge cru », « rouge vif, une fraise écrasée », « jaune fort, tapageur, aveuglant », « un dernier rayon plus intense avant le noir » …

Non vraiment, radicalement, Rien n’est noir avec Frida Kahlo.

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